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débute par des positions de postulats : nous ont-ils assez rebattu les oreilles avec le coup de génie d’Euclide ? Avons-nous assez dû nous émerveiller devant Riemann et Lobatchevsky ? J’ai donc mon postulat. Je ne pense pas à le démontrer, M. Brunschwicg lui-même m’a appris que le fin du fin consiste à ne pas tenter de telles démonstrations, mais je le sens jusque dans mes jambes et dans ma peau. C’est une affirmation qui sort de mon corps et de la place que j’occupe dans ce monde ruiné, et non des tables de corrélation, des nombres transfinis et du calcul des matrices. Le pouvoir doit passer à l’acte, le possible être réalisé. Je n’ai aucune envie de devenir un fou comme M. Marcel. Je me sens assuré que les philosophies que nous allons attaquer sont fausses parce que celles que nous défendons sont nécessaires de la même façon que la respiration.

Démontrez-moi dialectiquement, avec une de vos raisons raisonnantes et de vos raisons raisonnées, avec vos manies d’économes et d’actuaires que nous avons tort de vouloir respirer, dormir, nager, avoir chaud l’hiver, aimer les femmes que nous aimons, marcher où nous voulons. Prouvez-nous que nous sommes contre le courant de notre histoire et nous ne nagerons pas contre lui.

Le temps des démolitions est revenu. Tous les Bauer, tous les Szeliga, tous les Duhring reprennent du poil de la bête. Que leur philosophie reçoive les coups de trique de la Révolution.


P. Nizan.