Page:Nizan – Notes-programme sur la philosophie, paru dans Bifur, 1930.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

prennent contre lui et contre ses défenseurs une offensive théorique. La lutte fut toujours entre ces deux sortes de gens : les uns persuadent que tout va bien ou que tout ira bien, les autres sont durs à se laisser persuader. Les amis de l’harmonie et ceux qui ne voient pas l’harmonie là où elle n’est pas. Les uns bénéficiant de la diminution des hommes, les autres en souffrant. Les uns disant que la plénitude et la perfection sont des songes et suggérant espérances et consolations, les autres exigeant temporellement et réellement la réplétion, faisant fi des consolations et des promesses. Les uns voulant faire prendre les vessies pour des lanternes et les autres obstinés à prendre les vessies pour des poches à urine.

Je retombe toujours sur les exploiteurs et sur les exploités. Kant est un exploiteur. Spinoza n’est pas du parti des exploiteurs.

On me dit que je conclus mal, que du fait qu’on est opposé à la liberté réelle de l’homme, il est impossible de tirer qu’on soit son ennemi. Le destin humain pouvant être dans la sujétion. Mais je dis seulement que je n’aime pas la position de sujet et je ne demande pas si j’ai raison. Bien que je croie que mes contradicteurs ont tort, objectivement tort comme ils disent dans leur jargon. Après tout je partage l’intuition de la nature, des animaux. Revenons en tous temps à Épicure, en tous temps insulté par les malins. Je ne crois pas que la vocation des hommes soit une vie où tous les pouvoirs naturels sont offensés, où toutes les tentations humaines sont étouffées. C’est ce que dit Marx dans le Manifeste, si ce livre est bien lu : l’homme est amour et il est empêché d’aimer. Il le dit dans la Sainte Famille, bien que les austères savants bourgeois trouvent simplement amusante l’analyse du caractère de Fleur de Marie. Il le dit dans ses premières Notes. Il exprime avec une conscience parfaite les réclamations philosophiques et humaines des exploités.

Nos maîtres des écoles nous ont appris que toute suite de pensées