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qu’il aimait devient maintenant ma seule consolation.

Le juge ne voulut pas comprendre l’allusion : il ne répondit pas.

M. Drieux redoutait visiblement d’entamer le sujet qui était le but de sa visite ; il ne pouvait ou ne savait commencer, et un moment de silence pénible se fit encore.

Devant l’hésitation du procureur, M. de Boutin se décida à parler :

— Madame, dit-il de sa voix calme et légèrement scandée, il est des circonstances où le malheur qui vous a frappée peut devenir une catastrophe plus grande, où les coups du sort pèsent sur la vie d’une manière plus lourde et plus ineffaçable.

— Oui, Monsieur, ce que vous dites n’est, hélas ! que trop vrai ! Ici, surtout, où il existait, entre celui qui part et celle qui demeure, l’affection la plus étroite, l’estime la plus entière ; lorsque, enfin, une fille n’a plus de père !

Elle parut de nouveau s’absorber dans ses larmes et ses souvenirs ; avec une de ses mains elle couvrit ses yeux, tandis que l’autre retombait inerte et languissante le long de son corps affaissé.

Mais M. de Boutin, ne ressentait pas pour madame de Sauvetat, la même sympathie qu’éprouvait pour elle son ambitieux confrère. Il était venu chez la veuve pour remplir un terrible devoir, pour essayer de dégager de ses voiles une vérité qu’il se sentait déjà en se maudissant, impuissant à découvrir, aussi ce fut d’une voix presque impatiente qu’il reprit :

— Ce n’est pas encore de cela qu’il s’agit, Madame ; nous ne venons pas seulement vous apporter des condoléances : nous sommes ici pour vous annoncer un