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dans une pose des plus naturelles, ou des plus étudiées (qui aurait pu le dire ?), mais à coup sûr des plus séduisantes.

Elle était languissamment affaissée sur une causeuse et elle appuyait sa belle tête pâlie sur le grand dossier capitonné, tandis que son pied cambré et plus petit que celui d’une fillette de dix ans, relevé contre le bâton doré du garde-feu, se réchauffait à la flamme pétillante.

Ses mains, croisées sur ses genoux, tremblaient légèrement, mais si légèrement qu’on ne pouvait s’en apercevoir qu’au bout de quelques minutes de la plus profonde attention.

En la voyant avec ses cheveux crêpelés, ses épaules tombantes, son attitude brisée et, malgré cela provoquante, son regard caressant, il fallait penser à ces péris de l’Inde, à ces bayadères lascives qui font rêver sous d’autres cieux, du paradis de Mahomet.

En effet, son teint mat, un peu bistré, mais qui aux lumières devenait d’une blancheur éclatante et laiteuse, l’ovale parfait de son visage, sa bouche fine et admirablement dessinée, son nez droit, dont le cartilage inférieur dépassait légèrement les ailes mobiles, une souplesse de taille et de mouvements d’un charme inexprimable, de longs yeux à demi fermés et comme fatigués par la lumière du jour, tout cela composait une physionomie d’une beauté réelle, dont la grâce séduisante et féline rappelait bien celle que les peintres attribuent aux femmes de l’extrême Orient.

À l’aspect des deux magistrats, elle ne bougea pas, mais désignant des sièges de la main :

— Vous m’excuserez, Messieurs, dit-elle d’une voix complètement éteinte, de vous recevoir dans cet appartement et dans ce costume ; mais vous avez insisté, et