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Aussitôt M. de Sauvetat arrange ses affaires, obéissant ainsi aux insinuations de sa maîtresse.

C’est-à-dire qu’il lui laisse cinquante mille francs qui la feront libre jusqu’à son mariage, et qu’il donne la tutelle de sa fille à Jacques.

Le but de Marianne est atteint ; il ne lui reste plus qu’à hâter le dénoûment qui la rapprochera de Jacques Descat. C’est d’une main ferme, qu’elle vient annihiler les efforts de M. Delorme.

Ne la voyez-vous pas alors, bassement, lâchement, dans l’ombre et la nuit, verser la mort à celui qui a trahi pour elle une femme adorable ?

Le procureur s’arrêta ; il semblait attendre une objection nouvelle. M. de Boutin, en proie à une profonde préoccupation, ne répondit pas d’abord.

Au bout de quelques minutes de silence, il releva la tête :

— Vous n’avez pas réussi à me convaincre, dit-il. Je connais Marianne, je l’estime au-dessus de toute créature. M. de Sauvetat avait été élevé avec moi : je crois bien que j’ai été son meilleur ami, ou celui qui l’a le mieux connu. Les compromis faciles de conscience que vous lui prêtez, il ne les a pas eus.

À son lit de mort, au milieu des heures terribles de son agonie, il m’a dit : « Veille sur ma fille, veille sur « Marianne. » Au souvenir aimé de Marguerite, il n’a pas associé celui d’une fille qui n’aurait pas été aussi pure qu’elle ; il ne m’a pas recommandé sa maîtresse, oh ! non, mille fois non !…

Mais je sens, hélas ! que je ne puis vous imposer mes convictions. Seulement, j’ai confiance en celle que vous accusez, et je suis tellement sûr que d’un mot elle détruira l’échafaudage que vous accumulez contre elle, que je vous demande d’aller de suite, ensemble,