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Et, plus d’une fois même, lorsqu’un commencement d’instruction devenait nécessaire, il avait eu besoin de toute son autorité pour lui faire apporter de la dignité dans leur tâche commune.

La jeunesse du juge avait été austère, toute partagée entre l’étude du droit et celle des sciences exactes, pour lesquelles il avait l’unique passion qu’on lui eût jamais connue.

Il avait dû pourtant se marier presque aussitôt après avoir passé sa thèse de licence : des raisons de famille, dans lesquelles ni son honorabilité, ni celle de la jeune fille qu’il avait recherchée n’avaient pu être mises en jeu, avaient annihilé ses projets d’avenir.

Depuis, soit que sa nature très droite, mais légèrement privée d’initiative, comme celle de presque tous les savants, se fût repliée sur elle-même, soit que son cœur eût été plus froissé par cette première déception qu’on ne l’avait généralement supposé, il avait déclaré renoncer pour toujours à des idées d’union quelconque. Il s’était alors consacré plus que jamais à l’accomplissement aussi intelligent que possible, de ses fonctions, dont il ne se délassait qu’avec ses livres et ses calculs.

Cette existence retirée, sévère, presque claustrale, avait laissé intactes son honnêteté et sa croyance au bien, malgré les turpitudes dont il était appelé chaque jour à démêler les trames.

Mais si ses aspirations étaient encore jeunes, si sa volonté avait une force peu commune, si son coup d’œil était juste et sûr, sa vie solitaire, en l’éloignant des grandes luttes et des grandes agitations, lui avait laissé une défiance de lui-même et un manque de décision qui étaient peut-être les seuls défauts de son caractère.

Lorsqu’il avait reconnu une chose vraie ou droite, il