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société à venger, ni femme à protéger ; il y avait cinq cent mille francs à toucher, et un avancement… et un avenir ! Qui aurait pu dire même si l’heureux procureur ne rêvait pas de porter à la place de ce pauvre nom de Drieux, si modeste qu’en le grattant un tant soit peu on retrouvait vite celui de François, ce nom ronflant de Moussignac-Beaucaire, accompagné de son titre pompeux ?

M. de Boutin était le contraste vivant de son anguleux confrère.

Issu d’une vieille famille gasconne, il était entré dans la magistrature pour suivre l’exemple de ses pères, autrefois presque tous juges au présidial, ou membres du sénéchal de Bordeaux.

Sa fortune était considérable. Représentée presque en entier par de grandes propriétés territoriales, elle était solide, et il l’administrait lui-même.

Les nombreuses occupations qu’il s’imposait ainsi, jointes à la modestie de ses goûts, lui avaient fait demander comme une faveur aisément obtenue, de ne pas changer de résidence.

Il y avait donc quinze ans qu’il avait été nommé à Roqueberre. Depuis lors, il n’avait sollicité aucun avancement ; il se considérait même heureux d’un oubli qui lui permettait de ne rien changer à ses habitudes.

Sous un abord un peu rigide, il était d’une extrême bonté. Il avait pris ses fonctions assez effacées au sérieux, et lorsqu’il avait fait du bien, il croyait avoir atteint son but.

Sa vie se passait à lutter contre l’ambitieux procureur ; c’était à grand’peine qu’il l’empêchait de lancer des mandats d’amener au premier bavardage de petite ville.