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Elle portait des toilettes roses et bleues, qu’une fillette de dix-huit ans aurait peut-être trouvées trop jeunes.

Mademoiselle Drieux, originaire de Pau, était la sœur de la mère du procureur. Ce dernier étant resté orphelin en bas âge, elle l’avait adopté. La vieille fille avait quelques petites ressources et, malgré ses nombreux ridicules, était extrêmement bonne.

Tout naturellement elle s’imposa de rudes privations, d’abord pour envoyer son neveu au petit séminaire d’Auch, ensuite à l’Université d’Aix prendre ses inscriptions et passer ses thèses de droit. Le jeune homme s’appelait François, comme son père ; mais redoutant les quolibets que ce nom trop court pouvait lui susciter, et voulant, dans sa tendresse quasi maternelle, lui éviter toute douleur, Aglaé Drieux demanda et obtint qu’il portât son nom.

Qu’on juge de la joie et du bonheur de la vieille fille, lorsque, après bien des vœux et bien des prières, bien des espérances et bien des déceptions, M. Drieux fut enfin nommé procureur à Roqueberre.

Celui-ci fréquenta d’abord quelques salons de la petite ville, et surtout le cercle où se réunissent à Roqueberre les désœuvrés, les joueurs et les bavards. On l’avait bien accueilli. Mais M. Drieux, avec sa naissance très obscure, avait une dose d’orgueil qui devait lui jouer de mauvais tours.

En effet, chaque fois qu’une de ces conversations, très fréquentes du reste en Gascogne, avait lieu, conversation où chacun prétend avoir eu un ancêtre aux croisades, le procureur ne manquait jamais de parler de ses aïeux maternels et de leur position autrefois dans les vallées pyrénéennes.

Ordinairement ses récits apocryphes étaient accueillis