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— Si je refuse de donner suite à l’affaire, m’écouterez-vous ? demanda-t-il.

Le procureur eut un mouvement dont il ne fut pas maître.

— Non, assurément, dit-il, je m’adresserai à qui de droit.

— Ah !… Et si je vous donne un conseil, le suivrez-vous ?

— Si ma conscience ne s’y oppose pas, oui.

Le juge eut malgré lui un triste sourire.

Et avec une subite résolution :

— Puisque c’est ainsi, reprit-il, au lieu d’une enquête, allons tout de suite droit au but. Envoyez chercher deux experts, M. Gaste et le docteur Despax, et ordonnez une autopsie.

M. Drieux ne put réprimer un frisson de joie.

— J’aime mieux, poursuivit le juge, confier cette affaire à deux hommes d’honneur, que de commencer des démarches dont l’effet, même négatif, serait irréparable. Allons, envoyez quérir ces messieurs, si toutefois mon choix vous agrée.

— Déjà, fit le procureur dont les yeux brillèrent.

— Puisque votre conscience, Monsieur, dit le juge, avec une certaine sévérité, se fait un devoir de commencer une affaire aussi grave, il faut que ce soit avant tout commentaire, comme vous le disiez tout à l’heure. Tout y gagnera de cette façon, l’honneur de ceux qu’on pourrait accuser et la dignité de la justice.

M. Drieux ne répliqua pas un mot.

Il se leva et, s’approchant du bureau, il traça quelques mots sur des feuilles de papier séparées.

— Est-ce bien ainsi ? demanda-t-il à M. de Boutin en lui montrant les deux commissions.