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M. Larrieu avec une certaine surprise. Ah !… racontez-nous cela.

Instinctivement tous les sièges se rapprochèrent, les cous se tendirent, Laborde versa un verre de vin à la garde.

— Tenez, la mère, dit-il, humectez-vous le gosier ; ça vous aidera plus sûrement à avaler votre émotion.

Annon, après s’être essuyé les lèvres, commença :

— Vous vous rappelez M. de Sauvetat, n’est-ce pas ?

M. Larrieu tressaillit de la tête aux pieds :

— C’est M. de Sauvetat qui se conservait après sa mort ? demanda-t-il haletant.

— Oui, dit Annon, étonnée de l’interruption.

— Et comment le savez-vous ?

— Oh ! d’une manière bien naturelle. Je l’ai vu.

— Vous, vous l’avez vu ?

— Certainement ; madame de Sauvetat, mademoiselle Marianne, tous les domestiques étaient épuisés de fatigue. Comme on attendait mademoiselle Marguerite pour l’enterrement, il a fallu le retarder jusqu’au jour du premier de l’an. Les deux dernières nuits, c’est moi qui ai veillé. On avait mis le mort dans sa bière…

— Mais alors… s’il était enfermé ?…

— Attendez donc. Mademoiselle Marguerite est arrivée dans la nuit qui a précédé la cérémonie. Lorsqu’elle a vu le cercueil fermé et qu’elle a pensé que son père était mort sans l’embrasser, elle a fait une scène terrible. Elle pleurait, que ça fendait l’âme, elle répétait qu’elle voulait le revoir ou mourir.

Madame de Sauvetat s’opposait au désir de sa fille, mais mademoiselle Marianne a fait de suite ouvrir la bière. Je vous avoue que si ce n’avait été la curiosité, je serais partie ; jugez, depuis trois jours, et dans une chambre où le feu ne s’éteignait pas !…