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comme aujourd’hui du reste, j’étais et je suis resté parfaitement convaincu de sa culpabilité.

M. de Boutin eut un sourire de pitié :

— En êtes-vous bien sûr ? fit-il. Mais je continue :

Ensemble nous avons fait l’enquête. Vous souvenez-vous que, loin de trouver contre elle un indice sérieux, chaque heure de cette mémorable instruction nous a révélé une grandeur de caractère et une noblesse de sentiments qui ne cadraient guère avec une accusation d’empoisonnement, c’est-à-dire de l’assassinat le plus lâche, le plus bas, le plus hideux qui existe.

— Pourquoi aurait-elle voulu se défaire de son bienfaiteur ? vous demandais-je sans cesse.

— Elle était lasse d’un amant jaloux, me répondiez-vous, d’un amant qui l’empêchait de conclure un mariage inespéré.

Et j’étais sûr, moi, que cette raison, la seule plausible, était une chimère. Non, M. de Sauvetat n’était pas un homme à souiller le toit conjugal, Marianne n’était pas une femme à tromper celui dont elle allait accepter le nom.

C’était ailleurs qu’il fallait chercher la duplicité, le mensonge et le crime, ailleurs qu’il fallait voir la trahison, la lâcheté et l’infamie !

Ah ! cette autre assez adroite pour répandre dans le public les perfides calomnies qui, à un moment donné, allaient devenir les horribles, mais solides jalons d’une accusation capitale, cette autre capable d’exploiter un dévouement au-dessus des forces humaines, je l’avais devinée.

De tous ceux qu’elle recevait dans sa maison, j’étais peut-être le seul qui l’eût pressentie. Mais toutes mes convictions étaient le résultat d’analyses intraduisibles, de faits tellement intimes et fugitifs, que cette