Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/414

Cette page a été validée par deux contributeurs.

matin à dix heures, elle se brisa les ongles après les murs, elle ensanglanta ses mains, elle heurta sa tête à chaque angle de cette chambre où elle avait tant rêvé de Jacques, elle pleura, elle se désespéra, elle pria, elle maudit. Tout était inutile ; elle devait oublier son amour pour marcher vers le devoir, il fallait avoir l’air de briser et de brûler ce qu’elle aimait, ce qu’elle adorait si exclusivement.

Hélas !… elle le fit.

À onze heures, elle envoya chercher Jacques ; elle fut impitoyable pour lui. Elle ne le consola même pas par une explication. Elle le laissa partir, emportant peut-être un doute au fond de lui-même, à coup sûr une de ces blessures que rien ne devait cicatriser.

Si Marianne n’est pas morte de désespoir ce jour-là, c’est qu’elle n’avait pas encore épuisé la coupe des douleurs qui lui étaient réservées.

À cet endroit du manuscrit, Jacques dut s’arrêter.

Le jeune homme était parti de Cadillac vers 6 heures du matin.

Tout le temps qu’avait duré son voyage, il l’avait employé à dévorer les lignes précédentes.

Seul, dans un wagon de première classe, il avait pu à son aise s’attendrir et pleurer. Comme il terminait le récit de cette rupture, qui lui avait paru autrefois si étrange et si cruelle, la voiture s’engageait dans les premières rues de Roqueberre.

Sa figure était inondée de larmes et ses forces à bout.

Il se dirigea tout de suite chez son conseiller ordinaire, chez son ami M. de Boutin.

Ils restèrent enfermés tous deux jusqu’au soir.

La nuit suivante, M. de Boutin partit pour Agen, tandis que le jeune homme, en proie à une émotion