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mais si Blanche avait eu jusque-là pour amants des hommes aussi adroits qu’elle, aussi intéressés qu’elle au silence le plus complet sur leurs relations, elle pouvait être subitement prise de caprice pour quelque beau garçon, qui la compromettrait et l’afficherait comme une conquête précieuse à montrer.

Elle connaissait son frère : sans plainte, sans scandale, il tuerait sa femme, elle n’en doutait pas.

Son devoir à elle, au milieu de ce drame probable, de ce déshonneur, de ce désespoir effrayant, quel était-il ? De pallier, d’atténuer, d’arrêter le bras vengeur si c’était possible, dans tous les cas de consoler !…

Oui, mais pour tout cela il fallait être libre, ne pas appartenir à un homme, à un mari adoré qui devrait alors passer avant tout ; il fallait sacrifier Jacques, reprendre la parole donnée la veille au soir, le chasser de sa vie, reculer devant le bonheur, rentrer dans le néant et l’isolement, rester seule, éternellement seule !…

Et, torture sans nom, elle devait le faire souffrir !… lui qui lui était mille fois plus cher que la vie !…

Oui, il fallait tout cela ; car, lorsque, sur la terre d’Afrique, Marianne agenouillée devant le lit de mort de son père avait juré de préférer Lucien à tout sur terre, de lui tout sacrifier pour se dévouer à lui, il n’y avait eu ni réticence, ni exception.

Rien n’avait été prévu, elle avait tout simplement contracté une dette, l’échéance arrivait, il fallait y faire honneur : voilà tout !

Elle n’accepta cependant pas ainsi cette rude nécessité.

Tandis que son esprit implacable lui montrait toutes ces réalités terribles, son cœur se révoltait et cherchait les moyens d’échapper à l’inexorable fatalité.

Seule, dans son appartement de quatre heures du