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d’avocat ; il se souvint de sa petite compagne d’enfance et voulut en faire sa femme. Pour cela, il demanda sa main à M. de Sauvetat.

— Elle est orpheline, lui dit Lucien pour l’éprouver, sans fortune et sans nom.

— Je suis riche pour deux, répondit Jacques, et son père était un honnête homme, puisqu’il était votre ami ; cela me suffit.

— Bien, réfléchis deux ans ; elle n’a pas dix-huit ans, tu en as vingt-deux ; si tu ne changes pas, elle sera ta femme ; viens la voir aussi souvent que tu voudras.

Jacques accepta l’épreuve, et tout le temps que ne demandait pas le barreau, il le passait chez son cousin.

Un jour, et comme Marguerite était déjà grande, — elle avait dix ans, — une terrible épidémie sévit sur les enfants de Roqueberre.

On n’entendait que la petite cloche d’agonie qui annonce qu’un ange va s’envoler et qu’une famille est en deuil. Le croup les emportait tous.

M. de Sauvetat voulut fuir et quitter le pays, Blanche s’y opposa :

— Marguerite est forte, dit-elle ; elle a passé l’âge terrible ; à dix ans, il ne peut rien lui arriver.

Elle se trompait ; un soir la fillette se mit à tousser, sa petite tête pesante vacillait sur ses épaules. Lucien devint fou d’inquiétude.

— Vous le voyez, dit-il à Blanche, elle va avoir le croup ; ah ! miséricorde ! pourquoi ne suis-je pas parti ?

— Mais non, mais non, répondit la jeune femme, vous exagérez la situation ; il n’y a rien du tout : un coup d’air probablement.

Et s’adressant à la pauvre petite :

— N’est-ce pas, Margot, que tu es une grande fille