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Marianne s’approcha :

— C’est moi qui ai reçu sa bénédiction et son dernier soupir, dit-elle. N’étais-je pas un peu sa fille aussi ?

M. de Sauvetat appuya ses lèvres sur le front de sa sœur.

— Viens, Marianne, fit-il, il faut que tu continues ta tâche, aide-moi encore ; nous devons annoncer la fatale nouvelle à Blanche. Ah ! quel désespoir pour elle !

Ils descendirent tous deux.

La jeune femme pressentait déjà la générosité de Marianne, car elle l’accabla de reproches.

— Pourquoi ne m’as-tu pas prévenue ? lui demanda-t-elle au milieu des spasmes d’une violente attaque de nerfs ; je ne te pardonnerai jamais !…

M. de Sauvetat perdait la tête devant le chagrin de sa jeune femme ; il essayait en vain de la consoler ; il n’a jamais su quelle indigne comédie elle jouait ce jour-là.

Un mois après, Marguerite naquit.

À son premier cri, Lucien la couvrit de baisers, et, la portant à Marianne, qui attendait dans une chambre voisine, il la déposa entre ses bras :

— Je te la donne, dit-il ; qu’elle soit ta fille comme la mienne.

Marianne s’était sentie, jusque-là, assez abandonnée dans cette grande maison, où elle ne pouvait compter que sur l’affection d’un homme fort épris et très préoccupé de sa jeune femme.

Mais au moment où Lucien plaça sur son cœur ce frêle et doux trésor, son âme tressaillit ; quelque chose de bon, de fort, d’inconnu la remplit tout entière ; il lui sembla que la meilleure partie d’elle-même appartenait sans retour au petit être qu’on lui confiait.