Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/391

Cette page a été validée par deux contributeurs.

appeler de ce nom que je devrais à votre seule générosité, ait le droit d’insulter ma mère, ou de sourire en me regardant : non, je ne veux pas cela.

Lucien eut un mouvement de peur.

— Vas-tu donc me quitter, demanda-t-il en l’entourant de ses bras, moi qui t’aime déjà ?

Je vais me marier, ajouta-t-il en rougissant légèrement. Si tu savais comme ma fiancée est belle et bonne, elle t’aimera aussi, ne veux-tu pas la connaître ?

Marianne réfléchissait et ne répondait pas.

— Notre père sera si heureux de là-haut, s’il nous voit tenir la promesse que nous lui avons faite de ne jamais nous séparer, continua le jeune homme.

La jeune fille tressaillit.

— Écoute, dit-elle à son frère en le tutoyant pour la première fois ; là-bas, dans la tribu, je serais heureuse et honorée ; pour eux quel que soit mon nom, je suis la fille des Muzza ; mais j’obéirai au vœu de notre père, au désir secret de ma mère, à une condition.

— Laquelle ? Oh ! parle ; je l’accepte.

— Eh bien, je vivrai près de toi, car je sens que mon cœur t’appartient et que je suis déjà tienne ; mais ta femme seule connaîtra la vérité sur ma naissance et mon origine. Aux yeux de tous, je serai une étrangère, la fille d’un ami mort ; une pupille confiée à ton amitié, acceptée par ta générosité, rien de plus ? Consens-tu ?

— Mais cette fortune que j’ai juré de partager ?

— Je suis plus riche que toi. Mon père a déposé dans ma villa du mont Gamara le trésor de mes ancêtres, celui que ma famille lui a rendu.

Tu l’emporteras, si tu veux, et tu le garderas jusqu’au jour où tu le remettras au mari que tu me choisiras.

— Je ne veux pas que tu vives obscure et sans nom,