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une politique que les gens d’honneur n’approuvaient pas ?

Les anciens de la tribu partageaient son avis, ils étaient les interprètes du peuple ; les Beni-Muzza ne prendraient pas part à la nouvelle guerre.

Mais, un matin, tous les échos de la vallée retentirent d’un bruit étrange.

De sourds roulements continus et profonds se faisaient entendre, la fusillade crépitait au-dessous même, dans les terres basses. C’était la patrie menacée, les frères tués, la vieille terre d’Afrique envahie ; les Beni-Muzza se levèrent comme un seul homme, les paisibles pasteurs furent instantanément transformés en soldats.

Cette chose intime, plus profonde que les sources même de la vie, cette chose qui s’éveille et frémit en nous, au bruit de la mitraille ennemie, venait de parler chez eux plus haut que l’intérêt personnel et la sûreté particulière.

— On se bat sur l’Isly, crièrent-ils en entourant la tente de Muzza ; l’Afrique est menacée, partons !…

— Bien, mes enfants, répondit le vieux cheik, allons défendre notre liberté ou mourir pour elle.

Il décrocha ses armes de guerre, et, monté sur son meilleur cheval, il partit avec tous les hommes valides de la tribu.

— Allah est grand, répétèrent les marabouts en voyant la vaillante troupe s’engager dans les défilés ; les Français vont être chassés d’Algérie et les Arabes seront pour toujours libres.

Chériffa, malheureuse et désespérée, se retira au plus profond de sa demeure, et involontairement le petit cœur de Miriam se serrait à se briser.

Au bout de trois jours la fusillade sembla diminuer d’intensité.