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— Ce sentiment est-il assez profond, assez vrai pour que tu ne regrettes pas… l’autre ?

— Marguerite était une sainte, de là-haut elle approuve, j’en suis sûr, ce sentiment nouveau que Dieu a peut-être accordé à ses prières, et elle ne nous maudira pas.

Puis ployant un genou devant elle :

— Je t’aime, ma Chériffa bien-aimée, dit-il lentement, veux-tu accepter mon nom.

Elle appuya sa tête sur son épaule :

— Je t’aime aussi, murmura-t-elle, et me donne aujourd’hui à toi. Les filles de ma race ne se reprennent jamais, c’est pour la vie. Ton Dieu sera le mien, et ta patrie la mienne ; cela doit être ainsi, puisque ce Dieu t’a envoyé vers moi, et que mon cœur, qui n’avait jamais battu, s’est donné à toi tout entier. Prends-moi, et ne me fais jamais souffrir en te retirant de moi.

Il la saisit dans ses bras, et l’emporta vers le tertre de gazon. Là, à côté l’un de l’autre, ils passèrent la nuit à parler de leur amour et de leur vie future.

Il la voulait pour femme, mais sa délicatesse exquise entendait la conserver pure jusque-là, et si, à cause du vieux cheik, il leur était interdit de se marier légalement devant les autorités françaises, peut-être de longtemps, ils se présenteraient devant le cadi, aussitôt que Muzza y consentirait. Il était obligé de repartir, mais il reviendrait bientôt. Il ne dirait à Muzza ni son nom, ni sa nationalité.

— Qu’importe ! disait Chériffa, aimons-nous et sachons vouloir ; qui sait ce que nous réserve l’avenir ?

En attendant, il apportait des livres à sa jeune femme ; elle était déjà très instruite dans les sciences et la littérature orientales, elle apprendrait facilement la langue et les usages de France, et, un jour, il l’a-