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rire paternel de Muzza, c’était cette brune fille aux yeux d’antilope, à la taille souple, aux longues mains fines et blanches, qui, le soir, lorsque les étoiles scintillaient aux cieux, lui chantait en s’accompagnant sur sa guzla d’argent, les douces mélodies du pays.

Cependant, après plusieurs mois de séjour dans la vallée, il fallut songer au départ si souvent éloigné.

Pour la première fois, le voyageur ouvrit alors son ballot, jusque-là intact : et aux yeux ravis des jeunes filles de la tribu, il montra ses richesses.

Elles s’extasièrent à l’envi ; rien ne sembla cher, tout était si beau.

Le négociant vendait sa marchandise, et faisait sonner en riant les belles pièces d’or qu’on lui donnait en échange.

Les couvertures aux couleurs éclatantes, les petites babouches du Maroc, les larges ceintures d’Espagne, furent enlevées en un instant. Il ouvrit alors un compartiment secret, et montra ses fines dentelles d’Alençon, ses soyeuses étoffes de Lyon.

Chériffa s’approcha, et, tandis que ses compagnes froissaient déjà de leurs doigts effilés les brocards et les valenciennes dont elles demandaient le prix :

— Je veux pour moi seule tout ce qui vient de France, fit-elle très bas et très vite à l’oreille du marchand.

Celui-ci devint subitement très pâle et tout aussitôt replia ses étoffes.

— Cette marchandise-ci, dit-il aux fillettes, n’est pas à vendre, j’ai fait assez d’affaires comme cela.

Elles se séparèrent à ces mots, tout étonnées d’un caprice qu’elles ne s’expliquaient pas.

Le soir, comme la lune se levait déjà dans le bleu sombre du ciel, alors que les rossignols commençaient,