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— Nous n’avons plus de patrie, dit-il à la belle Khétira, sa femme, les misérables n’ont pas voulu mourir ! Ils ont préféré voir l’ennemi fouler le sol béni de Grenade !… Seul, je ne pouvais rien ; partons, allons demander à nos frères d’Afrique un asile et le droit de rougir sans témoins de la honte des nôtres.

Toute la famille de Muzza partit en effet.

Le roi de Fez avait, quelques années auparavant, fait crever les yeux à El Zagal, le dernier roi d’Andalousie, parce qu’il l’accusait d’avoir perdu son royaume par sa lâcheté, par contre, il combla Muzza d’honneurs et voulut lui donner dans son royaume le même rang et la même charge qu’il avait à Grenade.

Mais le guerrier maure portait en lui un désespoir immense, une tristesse sans bornes, il ne voulait plus vivre que pour pleurer la ruine de sa patrie.

Il refusa les libéralités du roi de Fez, et de toutes ces richesses, de tous ces honneurs, il n’accepta qu’un coin de terre pour y établir sa famille.

Le roi lui donna alors une portion de territoire située aux confins du désert d’Anglad et pas loin de Tlemcen, dans une des hautes vallées du Grand-Atlas. Il lui fit cette donation pleine et entière, à perpétuité, pour lui et les siens, voulant, disait-il, éterniser le souvenir de sa vaillante conduite.

— Nul mieux que toi n’est digne de commander, dit-il à Muzza, tu seras roi et chef comme je le suis moi-même, telle est ma volonté.

En effet, des familles de pasteurs, déjà établies dans la vallée, reconnurent l’autorité de Muzza.

La tribu prit le nom des Beni-Muzza, des monnaies furent frappées à l’effigie des divers chefs, et la Khoïhbah, cette prière que le khatib prononce, le vendredi, dans les principales mosquées, se fit en