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neur étaient éteints dans les cœurs de ces Maures, que cinq siècles de plaisirs faciles avaient efféminés.

En ces temps-là, hélas ! comme il y a à peine quelques années chez nous, ceux qui avaient aidé à l’abaissement de la patrie, qui n’avaient su que l’affaiblir et la piller, ne voulaient pas mourir pour elle.

De même encore, ils ne savaient que jeter l’injure à ceux qui, éternellement honorés, éternellement glorieux, se levaient pour la défendre envers et contre tous, pour la défendre jusqu’au-delà du possible, à outrance !

— Soumettons-nous, répondirent-ils au vaillant grand-maître, votre projet de résistance est une folie !

— Dieu est grand ! ajoutèrent les vizirs et les alfaguis ; que sa volonté soit faite !

Et les uns après les autres, bassement, sans une protestation, sans un éclair de courage ou de virile fierté, ils apposèrent leur signature au bas du traité qui enchaînait leur liberté, qui détruisait leur fortune, qui annihilait leur patrie, mais qui sauvegardait leur vie !…

L’indomptable Muzza les regarda avec mépris.

— Lâches s’écria-t-il, je vous renie pour mes frères ! Soyez tous maudits !…

Il se leva transporté d’indignation ; au seuil de la salle des délibérations, il brisa sur son genou sa vaillante épée qui n’avait pu être victorieuse, mais qui était restée immaculée, et fièrement il en jeta les débris au milieu du conseil.

— C’est bien fini ! murmura-t-il avec des larmes de désespoir et de rage…

Et, se drapant dans son grand burnous de guerre, il traversa tristement la cour des Lions et rentra chez lui.