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mince comme une pelure d’oignon, elle le tendit à Jacques.

— Je pouvais mourir sans vous avoir revu, mon ami, dit-elle en rougissant ; je voulais que vous sussiez exactement toute la vérité sur celle que le doute n’a cependant jamais atteinte dans votre âme. Vivante, j’ai dû me taire et j’en ai horriblement souffert. Morte, il fallait que mon souvenir vous restât éternellement pur, sans tache possible ; j’ai voulu vous donner les preuves palpables que j’ai été constamment digne de vous ; me taire complètement aurait peut-être mieux valu. Je n’ai pas su résister à l’égoïsme de ne vous rien cacher : pardonnez-moi, Jacques !

Il la pressa follement sur son cœur.

— Chère créature, murmura-t-il, je n’ai pas eu besoin de tes confidences pour t’affirmer la plus pure et la plus honnête des femmes…

— Je le sais, ami ; mais lisez ces lignes ; elles m’éviteront aujourd’hui des souvenirs devant lesquels mon âme se briserait tout à fait.

Jacques avait fait sauter les cachets de cire qui scellaient le manuscrit, il le feuilletait.

— Pas ici, dit vivement Marianne, en route vous le lirez tout entier. Allez rejoindre M. de Boutin, racontez-lui ce que vous aurez appris là-dedans, dites-lui que je suis à sa disposition, et, s’il a besoin de moi, revenez me chercher. Maintenant, laissez-moi deux ou trois jours seule ; il me faut ce temps pour pleurer et me recueillir.

Mais, involontairement, Jacques avait aperçu une signature au bas de la dernière page.

À ces deux noms accolés l’un à l’autre, un éclair de triomphe et d’indicible joie brilla dans l’œil humide du jeune homme.