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tout le monde pleurait. Jacques, le premier derrière le cercueil, aussi pâle que la morte couchée dans sa bière, n’avait de vivant que ses yeux, qui brillaient comme des charbons.

De temps à autre, un sanglot soulevait sa poitrine ; Orphée Labarthe, qui marchait, découvert, à ses côtés, essayait alors de le calmer et de le contenir.

Le service à l’église fut très long. Enfin on se dirigea vers le cimetière.

Devant le monument de la famille de Sauvetat, un homme était agenouillé sur la dalle humide, plus livide encore que Jacques, et ne songeant pas plus que le jeune homme à essuyer les larmes qui inondaient sa figure : c’était M. de Boutin.

En voyant arriver le cercueil et les prêtres, il se recula légèrement ; son émotion était si grande, qu’il fut obligé de s’appuyer contre la grille de fer.

À ce moment, son regard rencontra celui de l’avocat, et de ses yeux voilés de larmes s’échappa un éclair.

Aussi longtemps que durèrent les prières liturgiques, il demeura incliné et immobile ; il garda cette même attitude brisée et désespérée pendant que les hommes jetaient, suivant l’usage du Midi, une pincée de terre sur la tombe entr’ouverte. Mais, lorsque le tour des femmes arriva, il se rapprocha soudain ; et, à l’instant où Blanche essayait de se précipiter sur la fosse béante en appelant sa fille, il se releva tout droit devant elle, solennel, sévère, effrayant :

— Jacques, dit-il à haute voix au jeune homme qui était à ses côtés, ce ne sont plus des larmes et des prières qu’il leur faut aujourd’hui à ces pauvres martyrs ! Venez, j’ai enfin de quoi les venger !…

À ces mots, Blanche jeta un cri, ses yeux se dilatèrent affreusement, elle voulut fuir ; mais ses forces la