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de désespoir ; et Jacques sentait sa main qui serrait celle de la mourante toute mouillée par une sueur froide.

C’était l’agonie de Marguerite, de cette enfant qu’il aimait comme si elle eût été sa fille.

Quel supplice !…

On était allé chercher M. Delorme ; Marguerite ne voulut pas qu’il mît les pieds dans sa chambre.

Il devait cependant, pour calmer les craintes de madame Larroche, veiller la malade. Oui, il l’avait promis !…

Mais, qu’on se rassure, M. Delorme appelle veiller un malade s’enfermer à double tour dans la chambre la plus reculée de la maison, se pelotonner dans un lit bien chauffé, dormir à poings fermés et refuser, sous aucun prétexte, de se lever ou d’ouvrir lorsque la famille alarmée le fait prier de venir voir s’il ne survient pas de complications.

La pauvre petite agonisante ne pouvait donc pas être contrariée de veillée de M. Delorme. Au dehors, depuis deux jours, le temps s’était refroidi. Le vent d’hiver envoyait ses rafales dans le grand vestibule et les longs corridors de l’hôtel.

Cadette pleurait toutes ses larmes devant l’agonie de l’enfant qu’elle avait nourrie de son lait.

Vers minuit, Marguerite se réveilla.

— Ma mère ! cria-t-elle ; je veux voir ma mère !…

La nourrice se précipita dans l’escalier.

Au bout d’un instant elle revint les traits contractés ; elle fit signe à Jacques de s’approcher dans un coin reculé de la chambre.

— La misérable ! dit-elle au jeune homme les dents serrées, elle ne veut pas se lever elle prétend que sa présence impressionnerait cette pauvre petite !