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guerite. Il donnerait sa vie pour être à ma place, dit-il, mais il ne demande pas à te voir.

— Il a raison, murmura la prisonnière, tout bas ; tant de bonheur à la fois se paierait trop cher… après.

Tout le jour, elles restèrent toutes trois ensemble. Marianne n’en finissait pas de questions. Marguerite était-elle heureuse ? Sa vie ne devait-elle pas bientôt changer ? Madame de Sauvetat était-elle bonne pour elle ?

Avec un courage héroïque, la jeune fille répondait, détournant habilement l’attention de sa mère adoptive, lui parlant surtout de la tendresse paternelle de Jacques, de son affection à toute épreuve, de sa délicate et inépuisable sollicitude.

Et lorsque Marianne insistait :

— Je ne serai jamais heureuse sans toi, Manne adorée, affirmait Marguerite ; ma vie restera la même tant que tu ne seras pas là. Mais, un jour, tout cela changera, j’en suis sûre.

Marianne, ravie de ce souvenir ardent et fidèle, pressait dans ses bras cette enfant si chèrement aimée.

Elle ne cessait de la regarder, elle la trouvait belle, adorablement belle ; elle la faisait marcher devant elle dans l’étroite cellule ; à chacun de ces pas, elle avait de ces admirations profondes, de ces exclamations attendries que les mères seules connaissent.

Puis elle fermait les yeux, et, la revoyant enfant pendue à son cou, elle s’étonnait de la retrouver si différente d’alors, grande, souple, élégante, avec ses longs yeux clairs et doux, son petit air sévère.

— Elle te ressemble, affirmait madame Marie ; tiens, regarde-la de ce côté, vois si ce n’est pas le même profil, le même port de tête. À part la nuance du regard et des cheveux, deux sœurs ne seraient pas plus semblables.