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presque farouche, un pli amer creusé au coin de sa bouche fine, elle semblait voir et écouter des fantômes visibles pour elle seule.

Georges était rempli d’attentions et de sollicitudes pour sa belle-fille. Lorsqu’elle disparaissait subitement, il était le premier à s’en apercevoir. Si elle oubliait son châle ou son ombrelle, il courait après elle pour les lui rapporter ; le soir, il la forçait à fuir l’humidité des grands arbres et à rentrer à la maison aux premières atteintes du froid.

On voyait qu’il tentait le possible et l’impossible pour se faire pardonner son intrusion au foyer par l’enfant qu’il croyait révoltée.

Mais elle, si douce, si aimante avec tous, ne supportait aucune de ses prévenances.

Aussitôt qu’il s’approchait, elle devenait subitement hautaine, glaciale et presque insolente. Elle n’acceptait aucun de ses services et n’avait jamais consenti à toucher le bout de ses doigts.

Cependant, de loin en loin, depuis son retour de Cauterets, elle avait de singulières crises de syncope.

Durant des temps plus ou moins longs, elle perdait complètement connaissance. Mais comme elle gardait habituellement son teint clair et rosé, qu’elle ne maigrissait pas et qu’elle ne se plaignait jamais, Blanche disait tout bas qu’elle jouait la comédie.

Un jour, Marguerite se promenait avec mademoiselle Gaste ; elle écoutait son amie parler amour et chiffons, lorsqu’au détour d’une charmille elles se trouvèrent tout à coup en présence de Georges.

La physionomie de mademoiselle de Sauvetat se contracta :

— Vous encore ? fit-elle avec hauteur.

— Il y a longtemps que vous avez quitté le château,