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faire sortir de ses lèvres une banalité quelconque. Blanche, mal rassurée, envoya au juge un regard sournois et méfiant.

Le lendemain, on partit pour la campagne. Le château d’Auvray, peu éloigné de Roqueberre, était splendide comme construction, beauté de site et agréments de toutes sortes.

M. de Sauvetat l’avait soigneusement réparé et largement entretenu.

Blanche commença à inviter à de grandes chasses la partie masculine de la société.

Ensuite vinrent des dîners où elle convia les intimes de l’hiver précédent ; puis, comme on se disputait ses invitations, ses dernières hésitations disparurent, elle se mit à organiser de grandes et vraies fêtes qui se succédèrent, rapides et brillantes.

On ne parlait que d’elle, de son tact, de sa dignité, elle était la lionne du moment.

Les gens les plus honorables, les femmes les plus considérées arrivaient en foule à Auvray.

Marguerite, dans cette atmosphère de plaisir et de bruit, ne paraissait pas heureuse.

Au lieu de sourire au bonheur, de respirer, de vivre, de chanter, de s’épanouir enfin, ainsi qu’elle le faisait quelques mois auparavant, elle devenait chaque jour plus rêveuse et plus concentrée.

Comme si le rire et la gaieté, lui eussent déchiré le cœur, elle fuyait les hôtes de sa mère.

Seule, elle partait dans les allées profondes, au milieu des landes silencieuses, et là, des journées entières, on aurait pu la voir assise sur les genêts, ou au revers des fossés.

La pluie la mouillait, le soleil la brûlait, elle ne le sentait pas. Les mains croisées sur ses genoux, le regard