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sa bière, ayant à ses côtés cette Marianne si aimée d’elle, l’ange gardien de son enfance, lui disant, en lui montrant celui qui ne l’entendait plus :

— C’est pour le devoir et l’honneur qu’il est mort !… ne l’oublie pas !…

— L’honneur !… le devoir  !… Ne serait-ce pas pour quelque sublime devoir, ignoré d’elle, qu’elle était partie, cette mère adoptive, sa meilleure amie, et qu’elle souffrait dans la honte ?…

Le devoir ! n’était-il pas pour Marguerite, pauvre atome abandonné et sacrifié, de se taire comme l’une, de mourir comme l’autre ?

Elle le crut. Et généreuse plus qu’on ne peut l’être, elle résolut de tout accepter, et de se soumettre. Toute la journée, retirée dans la chambre de Marianne, elle s’affermit dans sa résolution, et se crut désormais assez calme et assez forte pour se taire devant tous.

Le soir, à la tombée de la nuit, le parfum de poésie triste qui se dégage de la nature au moment où elle se repose et s’endort, avait rouvert les sources de ses larmes qu’elle croyait taries sous l’effort viril de sa volonté. Elle s’était alors jetée dans les bras de Jacques et n’avait pu résister à l’âpre bonheur de pleurer un instant sur ce cœur qu’elle savait lui être si dévoué. Mais la courageuse enfant avait vite repris possession d’elle-même, et nous avons vu comment elle avait eu la force de tromper le jeune homme et de l’envoyer vers Marianne, parce qu’elle comprenait que la présence de Jacques était inopportune à Roqueberre.