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ment, elle avait paru accepter et servir les projets de celui qui n’était plus ; lorsque Marguerite, rougissante et émue, parlait de Georges et associait son nom à des pensées d’avenir et de bonheur, la veuve souriait, mais jamais elle n’avait dit à sa fille : Aime-le ; et la fête des fiançailles dont avait parlé M. de Sauvetat n’avait pas eu lieu.

Cependant, Marguerite ne s’était pas préoccupée de ce mutisme. Au contraire : un peu concentrée, un peu froide, avec un fond de réserve pudique qu’un rien froissait, la jeune fille savait presque gré à sa mère de lui laisser savourer, seule, sans la profaner, l’enivrante douceur de ses premières amours.

Elle avait bien une fois parlé de son secret à Jacques, oui ; mais Jacques était pour elle un être à part, celui qui lui représentait à la fois son père et Marianne.

À ces deux ombres sacrées que pouvait-elle cacher ?

Et puis, le jeune homme avait un regard, une voix qui savaient trouver le chemin de son cœur ; tandis que Blanche, au contraire, intimidait sa fille et glaçait toutes confidences sur les lèvres de la pauvre petite.

Mais si Marguerite se taisait et gardait ses impressions, comme un avare son trésor, elle avait vu bien des choses.

Ils sont si fins les yeux d’une amoureuse de seize ans.

Mademoiselle Gaste, sa meilleure amie, une belle petite blonde de son âge, ne lui avait-elle pas appris du reste que ce qu’une femme doit surtout comprendre, c’est ce qu’on ne lui dit pas ?

Eh bien, Marguerite avait écouté ces leçons-là, et elle en avait profité.

Ainsi, un jour, pendant l’automne, tout à fait au commencement des visites de Georges à l’hôtel, alors qu’elle était encore malade et nerveuse, Marguerite,