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lorsque, enfant, elle habitait chez sa tante, aux environs de Cadillac, et il avait conservé pour elle une profonde affection.

Que de fois, comme un autre Lavater, ne l’avait-il pas aidée à lire et à découvrir les passions, les vices, voire même les vertus à l’état latent sur les dures physionomies qui passaient devant eux !

— Voyez-vous, ma fille, lui disait-il dans son langage familier ; la misère et l’abandon sont de tristes maîtres, et bien souvent ils changent en mauvais instincts les meilleurs germes. Il ne faut pas trop leur en vouloir, à ces pauvres créatures, il y en a pour lesquelles la vie a été si rude !

Aussi, avec quelle joie et quelle sagesse ne distribuait-il pas l’argent qu’elle lui donnait pour faciliter leur retour au bien après leur sortie de prison !

Elle n’avait pas de secrets pour lui. Sa sympathie pour Marianne lui fut vite confiée.

Il attendit pour se prononcer de l’avoir vue de près, et d’avoir pu l’étudier attentivement.

Madame Marie lui en fournit l’occasion aussi souvent qu’il le voulut.

La limpidité de ce grand œil profond et doux où, sous l’énergie de la femme, il y avait parfois la naïveté étonnée de l’enfant ; la pureté de cette bouche à l’expression tendre et bonne dans le repos ; enfin, une réserve, une dignité qu’il n’avait pas l’habitude de rencontrer, tout cela l’eut vite fixé.

Il demanda à madame Marie-Aimée les détails qu’elle ne lui avait pas encore donnés sur la condamnation de Marianne.

Quand la religieuse eut terminé, le docteur était extrêmement ému.

— C’est votre sœur, ma fille, lui dit-il ; elle a sacri-