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pensionnat de Bordeaux, ne devait arriver que le lendemain, et il fallait des forces pour la recevoir.

Marianne, épuisée de fatigue, était restée dans sa chambre ; d’ailleurs, la plus sourde inimitié régnait entre Blanche et elle, et on disait dans l’hôtel que la jeune femme avait défendu à Marianne de demeurer auprès de M. de Sauvetat.

Marianne avait obéi ; elle était seulement la pupille du mort, et n’avait pas le droit de résister à sa veuve.

Vers le milieu de la nuit, tout reposait dans la maison mortuaire.

Auprès de la couche funèbre, Cadette s’était profondément endormie, elle était seule.

Sur une table de chêne placée au chevet du lit, deux cierges de cire jaune jetaient dans la grande pièce sombre une lueur incertaine, et prêtaient aux meubles antiques des aspects bizarres.

Dehors, le vent avait redoublé de violence, la pluie s’était changée en neige, il faisait un froid humide et pénétrant.

Le mort, soigneusement revêtu de ses habits de cérémonie, reposait sur des courtines de damas et de dentelles.

Chose étrange ! ces traits que le désespoir et la maladie avaient ravagés s’étaient apaisés et rassérénés.

On aurait dit que cet inconnu effrayant, cette obscurité mystérieuse et terrible dans lesquels il était entré s’étaient subitement éclairés devant lui, et que l’ombre, en se faisant lumière, avait mis sur son front pâle comme un reflet de triomphe.

Tout à coup une petite porte latérale s’ouvrit sans bruit, et Marianne s’avança vers le lit mortuaire.

Elle toucha le bras de la garde endormie, mais Cadette ne s’éveilla pas.