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ses larmes, et écartant de son front ses beaux cheveux en désordre :

— Qu’as-tu ma fille adorée, lui demanda-t-il, qui te fait souffrir ? qui t’a blessée ou froissée ? que te faut-il pour te consoler, mon pauvre trésor ?

— Ah ! répondit l’enfant, tu ne peux rien, Jacques, rien !… je suis maudite !…

Et pendant longtemps on n’entendit que le bruit de ses sanglots déchirants et convulsifs.

— Maudite, toi, ma chérie ! fit Jacques la voix tremblante d’émotion ; mais je n’ai donc plus ni force, ni volonté, et ni affection pour toi ? mais j’ai donc déserté le poste qui m’était confié, ou violé le serment que j’avais fait de te servir de père, que tu te désespères ainsi lorsque je suis prêt de toi, prêt à tout dévouement ?

Marguerite parut se calmer, et, tandis qu’un léger pli se creusait entre ses sourcils délicats, elle sembla réfléchir profondément.

— Tu m’es dévoué, reprit-elle en fixant sur Jacques ses grands yeux, où le feu de quelque généreuse et sublime pensée, spontanément conçue, séchait les pleurs, veux-tu me le prouver ?

— Parle, ma fille.

— Eh bien ! va auprès de Marianne. Tous ces jours-ci, je suis obsédée de l’idée qu’elle souffre, qu’elle nous appelle, qu’elle me reproche d’être heureuse, lorsqu’elle subit, elle, la honte de l’injustice et du mensonge.

Jacques tressaillit.

— C’est singulier, dit-il lentement, une pensée tenace que je ne peux chasser m’affirme également qu’elle nous désire.

Mais, mignonne, continua-t-il en serrant plus fort les mains de la fillette, est-ce à cause de Marianne que tu pleurais si amèrement tout à l’heure ?