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du venin mortel de l’horrible bête à laquelle il la comparait. Mais, subitement, elle se calma et se ressaisit :

— C’est bien, dit-elle, vous verrez comment je vous répondrai ; seulement, n’accusez personne, vous l’aurez voulu !

Elle disparut et rentra dans le bal.

Jacques qui l’avait suivie, fut effrayé de sa gaieté et de son naturel.

Devant tout le monde, au moment où il prenait congé d’elle, elle lui tendit la main.

— À bientôt ! dit-elle, d’un accent simple et doux.

Il se demandait ce que signifiait cette grâce charmante, lorsque en se retournant tout à coup vers elle, il crut voir dans ses yeux mi-clos comme le reflet d’une pensée infernale.

— C’est la lutte, pensa-t-il, allons, courage ! et puisse le droit enfin triompher !

Le lendemain, Jacques arriva un peu plus tard chez la veuve.

Il espérait trouver Marguerite seule sur la terrasse, et, pour passer quelques instants avec elle, sans éprouver l’ennui de parler à Blanche, il monta par l’escalier qui conduisait du jardin sur le quai.

Les salons étaient fermés, la maison silencieuse. Sur la terrasse, on ne voyait personne.

Le jeune homme comprit qu’il fallait entrer chez madame de Sauvetat s’il voulait voir sa pupille, et sa contrariété devint très grande.

Cependant, avant d’affronter cette présence pleine de dégoût pour lui, il ne put résister au désir de se reposer quelques instants sur le banc de pierre. Il lui semblait que la vue de cet étroit morceau de terre, qui lui rappelait les meilleurs souvenirs de sa vie, le calmerait assez pour le rendre fort et maître de soi.