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Le feu intense, qui brillait au fond de ses prunelles, était insoutenable ; on aurait dit qu’elle concentrait toute sa volonté pour lui communiquer les effluves dont ses paupières alourdies étaient chargées.

— Jacques, dit-elle à voix basse, vous avez une noble nature, supérieure à tout ce que j’ai rencontré jusqu’à ce jour.

Tant que vous avez été heureux, je n’ai jamais cherché votre main. Mais aujourd’hui, pourquoi ne nous rapprocherions-nous pas ? Pourquoi ne nous consolerions-nous pas tous deux. Les mêmes douleurs qui ont brisé votre âme ont fait saigner la mienne ; les mêmes deuils qui ont obscurci votre vie ont rendu la mienne à jamais désolée et solitaire ; derrière vous comme derrière moi, il n’y a que des ruines et des regrets, devant nous il n’y a que des larmes et des découragements. Voulez-vous que nous pleurions ensemble ? que je m’appuie sur vous, moi qui suis toute faiblesse ? que nous soyons enfin tout l’un pour l’autre ?

En disant ces mots, sa tête alanguie s’était penchée vers Jacques ; ses cheveux embaumés atteignaient presque les lèvres du jeune homme.

Celui-ci laissa passer sur sa physionomie expressive comme un éclair de suprême dégoût.

Il la regarda un instant au-dessous de lui, dans son attitude lascive et provocante ; puis faisant appel à toute sa volonté pour rester maître de lui et ne pas la repousser :

— Vous êtes téméraire, Blanche, murmura-t-il, se cabrant encore sous l’effort, de demander la possession d’un cœur si meurtri que rien ne saurait le rappeler à la vie !…

— Ne dites pas cela, ou vous ignorez de quoi je suis capable ! Vous ne pouvez pas pressentir de quelle façon