Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/239

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle m’avait embrassée en disant ces mots, ses lèvres étaient glacées ; je n’osai pas insister.

— Ma fille, commença M. de Sauvetat, mon intention était de te garder encore longtemps, pour mieux préparer ton corps et ton âme aux grands devoirs que la vie impose aux femmes. Il arrive malheureusement chaque jour des événements imprévus qui changent nos résolutions les mieux arrêtées ou les modifient.

Par suite d’une circonstance exceptionnelle, ma manière de voir aujourd’hui n’est plus la même. Si ton cœur ne s’y oppose pas, je vais te marier très prochainement, le veux-tu ?

Je fermai les yeux, il me sembla que la vie m’abandonnait.

Lorsque j’eus la force de les rouvrir, les traits bouleversés de mon père m’effrayèrent. Il était plus blanc qu’un suaire, de grosses gouttes de sueur perlaient sur son front.

— Tu ne me réponds pas, ma chérie, fit-il avec un accent de tristesse infinie ; il faut me dire la vérité. Refuses-tu ?

Je me sentis tout à coup vaillante et forte.

— Cela dépend, dis-je résolument ; prononcez un nom, et je verrai.

L’inquiétude redoubla dans les yeux de M. de Sauvetat :

— Aurais-tu déjà fait un choix ? me demanda-t-il.

Cette fois-ci, je devins toute froide ; je cachai ma tête dans mes mains ; subitement, je venais de découvrir dans mon cœur des choses jusque-là ignorées.

Mais lui, écartant mes doigts, et me regardant bien en face :

— Veux-tu être la femme de Georges Larroche ? dit-il brusquement.