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ne pas te tromper ? N’obéis-tu pas à d’autres insinuations ? Ne serait-ce pas plutôt ta mère qui te conseillerait ce mariage ?

— Ma mère ne m’en a jamais parlé, mon ami, je te le jure.

— Mais alors, M. de Sauvetat a laissé des volontés écrites qui ne m’ont pas été communiquées.

— je ne sais pas cela, Jacques, je ne connais que l’ordre qu’il m’a donné, et le serment que j’ai fait.

Le jeune homme revint vers elle, et, d’un accent auquel on ne résiste pas :

— Explique-toi, dit-il, je dois savoir et je veux comprendre.

— Mon pauvre père, commença-t-elle sans hésitation, est tombé malade le 12 décembre ; tu sais cela comme tout le monde, hélas ! mais ce que tu ignores peut-être, c’est que le deuxième jeudi de décembre, le 16, Bertrand, notre vieux valet de chambre, est venu me chercher dans mon pensionnat de Bordeaux.

Partis par le premier train à cinq heures du matin, à onze heures nous arrivions à Roqueberre. Mon père et ma mère m’attendaient dans le petit salon d’en bas. Marianne était à la campagne depuis quelques jours et ne devait rentrer que le lendemain.

M. de Sauvetat, debout devant la cheminée, était grave et sévère, un peu solennel, même, il me sembla.

Ma mère, assise dans un fauteuil, était tellement pâle, que je la crus malade.

— Vous souffrez, n’est-ce pas ? lui demandai-je tout alarmée, et c’est pour vous soigner que vous m’avez fait venir.

Mais elle me répondit en souriant :

— Non, non, je me porte très bien, c’est ton père, Marguerite, qui désire te parler… sérieusement.