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préoccupa-t-elle ? Peut-être la politesse plus exagérée de M. de Boutin lui donna-t-elle à penser ?

Elle eut regret alors d’avoir présenté Georges si tôt à deux ennemis. Aussi, espérant éviter cette terrible question : « Pourquoi celui-là et pas un autre ? » elle essaya de réparer ce qu’elle considérait comme une faute.

Le dimanche suivant, elle invita quelques personnes à passer la soirée chez elle sans façon, pour distraire Marguerite, qui tombait dans une sorte de rêvasserie inquiétante, disait-elle.

— Viendra-t-on ?… acceptera-t-on cette invitation prématurée ? se demanda-t-elle toute la semaine, avec une préoccupation évidente et silencieuse.

On n’eut garde d’y manquer ; elle avait compté sur le désœuvrement et l’orgueil des femmes de la petite ville, et elle avait eu raison.

Comme si Blanche avait eu le don de lire dans le cœur de sa fille, la tristesse morne qui n’avait pas quitté Marguerite depuis la mort de son père et la condamnation de Marianne s’enfuit peu à peu. Cet heureux résultat, madame de Sauvetat ne manqua pas de l’attribuer à l’influence de ses nouvelles réunions intimes.

Peu de personnes étaient cependant admises, chez elle, M. madame et mademoiselle Gaste, M. Chanteclair et sa femme, M. et madame Drieux, madame Sembre, une nouvelle amie de madame de Sauvetat et sa plus proche voisine, enfin Georges Larroche, Jacques et M. de Boutin.

Mademoiselle Gaste avait un réel talent de musicienne.

Soit par suite de l’intimité qui unit tout de suite les deux jeunes filles, soit pour un autre motif, Marguerite, jusque-là assez insouciante de ses études musi-