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humiliantes que leur despotisme voulait bien lui imposer.

M. de Sauvetat l’avait reçu banalement dans sa maison, comme beaucoup d’autres personnes de son monde. Il l’avait invité à chasser chez lui l’été, il lui avait permis l’hiver, dans son salon, de racler son violoncelle entre un rubber de whist et une tasse de thé ; en cela, il n’avait fait que céder à cette sorte de monotonie inconsciente et routinière qui, dans les petits pays, fait faire à l’un ce qu’a fait l’autre, sans d’autre raison plausible.

Georges Larroche avait donc été jusqu’à ce jour, dans la maison de Sauvetat, ce qu’on appelle banalement une utilité. Nul ne s’était occupé de lui plus que d’un autre : son nom n’avait jamais été prononcé chez Blanche une fois de plus que les autres noms.

Après tout cela, Jacques et M. de Boutin eurent raison de s’étonner de son apparition inattendue chez la veuve au commencement de l’hiver, c’est-à-dire six mois à peine après la condamnation de Marianne, moins d’un an après la mort tragique du chef de la maison.

Mais une sorte de sens intime et profond leur dit à tous deux qu’il n’y avait ni objections à faire, ni étonnement à montrer devant ce manque des plus simples convenances. En présence de l’oubli de ce deuil arrivé dans des circonstances si exceptionnelles, et surtout dans un pays où une règle inviolable défend de recevoir les plus intimes amis avant un an révolu, il n’y avait qu’à se taire, et à attendre la signification de ce fait au moins étrange.

C’est ce qu’ils firent ; mais Blanche, dont la sollicitude était constamment en éveil, se sentit troublée par ce silence lui-même et cette absence de questions.

Peut-être la raideur plus dédaigneuse de Jacques la