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humide et plus expansif, il y avait une prière et un rayonnement.

— Aime-le, semblait-elle dire, car je l’aime.

Jacques le comprit ainsi, mieux qu’elle peut-être.

— Miséricorde ! se dit-il tout bas… quelles sombres appréhensions viennent donc encore m’assaillir…

La soirée se passa relativement calme. M. de Boutin, avec un tact infini, essaya de généraliser la conversation que Blanche soutenait avec une gaieté nerveuse et bruyante ; tandis que la joie profonde de Marguerite ne déridait pas Jacques, et que le nouveau venu osait à peine ouvrir la bouche, tant son embarras était évident.

En effet, quoique Georges Larroche fût un superbe garçon, l’aisance, cette grande qualité mondaine qui si souvent tient lieu d’intelligence ou d’esprit, ne semblait pas devoir remplacer chez lui ces deux qualités absentes.

D’une taille au-dessus de la moyenne, avec les épaules larges et puissantes, il avait le profil régulier des marbres antiques. Son front bas et étroit, comme celui des statues grecques, était couronné d’une chevelure lisse, d’un noir bleu. Son nez était droit, sa bouche fine, son visage rasé, d’un ovale parfait. Son teint mat, légèrement doré, achevait de donner à cette physionomie un superbe cachet de beauté masculine.

Mais, en revanche, les bras trop longs étaient terminés par des mains énormes dont il ne savait que faire ; ses jambes, trop grêles pour son buste d’hercule, n’étaient pas capables de le porter haut et droit, sans embarras et sans hésitation. Enfin, ses yeux largement fendus étaient nuls d’expression, et la pensée, ce rayonnement intime de l’âme vivante, ne venait jamais les éclairer même d’une silencieuse étincelle.