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sans qu’on criât trop fort dans le pays ; car, en Gascogne, on s’habitue facilement à ces noms ronflants, éclos du jour au lendemain, et on les accepte plus aisément encore, surtout lorsqu’en dessous on sent le nouvel écusson solidement doré.

Il était riche, en apparence heureux ; il donnait de bons dîners, allongeait plus que jamais ses manchettes et ses favoris, il avait grandi d’un pied et maigri de dix kilos, mais il ne pouvait s’habituer à l’absence de ces grandeurs qu’il avait rêvées, lorsqu’un événement inattendu vint lui mettre subitement le pied à l’étrier.

Une élection difficile se présenta à Roqueberre, des offres lui furent faites par le candidat officiel ; il n’hésita pas.

Lui, qui n’avait jusque-là, en politique, affirmé d’autre principe qu’un très léger cléricalisme, nécessité par le ruban qu’il portait, s’improvisa instantanément des convictions très arrêtées.

Avec un zèle qui rappelait l’enquête du procès de Sauvetat, il organisa des réunions, rédigea lui-même des professions de foi, surveilla l’affichage, accompagna le candidat dans toutes ses tournées, et, en définitive, trempa dans un tripotage assez louche d’urnes et de bulletins.

Le nouvel élu, dont l’influence était réelle, récompensa son zèle par la place de président au tribunal de Roqueberre.

Désormais inamovible, il s’en rapportait à l’habileté de son caractère et aux services à rendre encore à M. de Pialliac pour ne pas s’arrêter en si beau chemin.

Orphée Labarthe est toujours sceptique et bon, dévoué et moqueur.

Pour le quart d’heure, il bat des mains à une nou-