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— Devant Dieu, dit-elle, je jure…

Tout le monde s’était arrêté, les jurés pâles comme des morts attendaient haletants, les magistrats bouleversés étaient suspendus à ses lèvres.

Mais, tout à coup, poussant un cri terrible :

— Ah ! malheureuse !… malheureuse, fit-elle, non c’est impossible je suis lâche et folle !…

Elle prit sa tête à deux mains, et, éperdue, elle s’enfuit à travers les corridors, en repoussant le gendarme qui voulait la soutenir.

Les juges, frémissants, étaient restés debout, écoutant comme un funèbre écho ses sanglots qu’on entendait encore au loin.

Ce fut dans une émotion inexprimable que la cour et les jurés quittèrent la salle.

Au fond de la conscience de ces gens honnêtes qui n’avaient cependant obéi, en la condamnant, qu’à un devoir d’impartiale justice, il resta, peut-être pas un remords, mais au moins une pensée importune, qui, semblable à une pointe acérée, devait tourmenter leurs cœurs, et pour longtemps, faire asseoir l’insomnie au chevet de leurs lits.

Le lendemain, M. de Boutin vint dire à la condamnée que Jacques en proie au plus violent délire n’avait pas repris connaissance, et l’appelait sans cesse.

Elle s’était calmée pendant la nuit, et, malgré la pâleur livide de ses traits, son implacable volonté était revenue tout entière.

— C’est pour rester digne de lui que je ne lui réponds pas, mon ami, dit-elle au juge, faites-le lui comprendre lorsque vous me l’aurez guéri.

— Et s’il meurt ?

— Ce n’est pas possible, dit-elle en levant sur