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Voyez-vous celle que vous prétendez être sa rivale, la veillant, la soignant, et providence bénie de la mère, comme elle l’avait été de la fille, lui rendre à elle aussi la santé et la vie ?

Et dans l’intérieur de la maison, quel dévouement, quel accomplissement strict de chacun de ses devoirs !

Non, Messieurs, non, cette femme qui voulait vivre effacée et oubliée, n’a pas cherché à conquérir par un crime odieux une place qui souvent lui avait été offerte. Son honneur, sa loyauté, la délicatesse exquise de ses sentiments, n’étaient pas choses feintes, vous pouvez me croire.

Jacques, alors, entrant dans le plus intime de la question, avec une émotion à peine contenue, retraça la vie de M. de Sauvetat.

Il parla de ses vertus austères ; il fit ressortir, par des détails saisis dans le vif, le caractère un peu raide, mais plein de loyauté et de franchise de cet homme que tout le monde estimait.

Il prouva qu’une personnalité aussi irréprochable et aussi élevée n’admettait pas les faciles traités de conscience ceux qui autorisent les hommes seuls à se jouer de la foi conjugale, et à introduire l’adultère sous le toit béni de la famille, à côté de la fille jeune et pure.

Il fouilla la correspondance de M. de Sauvetat, celle-là même que l’avocat général avait si étrangement interprétée et commentée ; il montra facilement que sous l’immense affection que le tuteur témoignait à sa pupille, il y avait au moins autant de réserve que de dévouement et de confiance.

Quant au legs considérable que M. de Sauvetat laissait à Marianne, n’était-ce pas l’affirmation dernière de sa loyauté ? et pouvait-il venir à l’esprit de personne