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encore au lycée Louis-le-Grand, où une liaison sérieuse aurait été connue, sinon de tous ses camarades, du moins de ses amis intimes. L’accusation a pensé à cette objection, et elle a là plusieurs témoignages recueillis en vue de cette insinuation.

— Pardon, répartit Jacques avec une énergie qu’il n’avait pas montrée jusque-là, je n’ai pas dit que M. de Sauvetat fût le père de Marianne ; j’ai dit et je répète qu’elle est de la même famille que lui.

On a cherché, me direz-vous, on n’a rien découvert ! Ah ! que n’étais-je là ! Où la justice a été impuissante, j’aurais trouvé, j’en suis sûr. Mais vous l’avez vue, vous l’avez entendue tout à l’heure, elle défend de se renseigner et de découvrir quoi que ce soit !

Ainsi déjà elle m’a parlé et il a fallu me soumettre. Mais ce qu’elle ne m’empêchera pas de vous dire, c’est sa mission, sa vie dans la famille, étrangère ou non, qui l’a recueillie.

À onze ans, elle ferme les yeux à madame d’Auvray ; à douze, on lui confie Marguerite de Sauvetat ; elle veille sur l’enfant, et malgré son extrême jeunesse, elle devient sa vraie mère. Elle venait d’avoir quinze ans, lorsqu’elle voit sa fille d’adoption frappée du terrible fléau qui, le plus souvent, ne pardonne pas : du croup.

La voilà installée au chevet de ce berceau, interrogeant nuit et jour cette petite figure que les voiles de la mort couvraient déjà, la disputant, l’arrachant par ses soins à l’imminente catastrophe ; héroïque et calme comme toujours au milieu de l’effarement général, veillant à tout, n’oubliant rien, trouvant encore moyen, après avoir sauvé la fille, de consoler le père.

Deux ans après, c’est madame de Sauvetat elle-même, qui est frappée d’une fluxion de poitrine, en sortant trop tôt de l’atmosphère suffocante d’un bal.