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qu’elle a porté le trouble, le désespoir et la mort dans une famille que vous honoriez tous.

Vous voyez au banc de la défense un homme dont le talent vous est aussi sympathique que la personne nous est, à nous, en singulière estime.

Loin de moi la pensée d’incriminer sa conscience ou son honnêteté, mais je vous jure, cependant que, si M. Descat doute et proteste, c’est que, aveuglé depuis longues années par une passion assurément des plus compréhensibles, il est étrangement et habilement trompé.

Non, mille fois non, ce n’est pas moi qui suis dans l’erreur, car ce n’est pas de parti pris que je viens soutenir ici l’accusation. J’ai passé de longues nuits sur cette affaire, j’ai interrogé minutieusement chaque pièce, les rapports, les témoignages, les papiers de la victime, et surtout sa correspondance avec l’accusée ; de tout cela, il est né en moi une certitude profonde. En ma foi d’honnête homme, en ma conscience de magistrat, je vous le dis, il y a là un crime palpable, et dont la préméditation remonte à de longues années.

Un jour, en effet, à Biarritz, n’a-t-on pas entendu cette fille perverse dire, en regardant la mer de son œil plus profond et plus insondable qu’elle.

— Avec un peu d’énergie, si j’avais le courage de tout quitter pour la traverser, je pourrais être libre, indépendante, riche !

À quelle liberté, à quelles richesses, à quelle indépendance faisait-elle allusion, sinon à la vie oisive à l’étranger, qu’un crime seul pouvait lui procurer ?

Et l’avocat général, prenant dans un volumineux dossier des lettres et des notes trouvées dans le bureau de M. de Sauvetat, s’attache à prouver que la confiance illimitée, la sollicitude exaltée et un peu mystique que