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connaît les plus importants, ceux de Cadette, la nourrice, et d’Annon, la garde-malade ; Jérôme, le cocher, Ménine, la cuisinière, les femmes de chambre, vinrent tous dire à peu près les mêmes choses.

Le tour de M. Despax était arrivé. Tout le monde fut étonné de voir le mielleux docteur, ordinairement tout confit en patenôtres, soutenir le crime et la préméditation avec un acharnement qui sortait de son caractère, et surtout de son rôle actuel.

Une discussion des plus violentes s’engagea alors entre lui et M. Delorme. Le docteur Despax, dans la chaleur de son improvisation, donnait charitablement à entendre que l’ânerie seule de son confrère avait pu se laisser tromper par les symptômes uniques d’un empoisonnement saturnin.

— La colique de plomb, Messieurs, dit-il de son accent patelin et emphatique tout à la fois, est sans analogie dans le cadre des maladies faciles à diagnostiquer. Spécialement, dans l’espèce, pas un des phénomènes importants ou secondaires, mais tous caractéristiques, ne fait défaut pour affirmer ou corroborer le diagnostic. Vraiment, il faut que la religion de mon éminent confrère ait été singulièrement abusée, pour…

M. Delorme quitta sa place, et s’avança furieux vers le trop compatissant docteur.

— Je ne souffrirai pas qu’on m’insulte une deuxième fois ! s’écria-t-il d’une voix irritée ; j’ai dit et soutient que l’hépatite présente absolument les mêmes symptômes que l’empoisonnement saturnin ; il faut être aveugle et ignare soi-même pour en douter.

— Excepté, toutefois, répondit encore plus mielleusement Despax, que, dans cette dernière maladie, le siège de la douleur est complètement localisé et ne descend jamais dans le bas-ventre, la constipation