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— Vos nom, prénom, âge et qualités, demanda le président.

— Joseph-Étienne Delorme, quarante-cinq ans, docteur-médecin à Roqueberre.

Cette fois-ci, par exemple, toute la salle éclata en un fou rire : de ce gros petit homme, à l’encolure formidable d’un taureau des Landes, sortait une voix d’un timbre voilé et indistinct, mais tellement étrange que, malgré soi, en l’écoutant, il fallait penser aux voix singulières de la chapelle Sixtine.

Le président menaça de faire évacuer la salle, et le silence s’étant rétabli, il continua son interrogatoire.

— Vous étiez le médecin de la famille de Sauvetat ?

— Oui, monsieur le président, le médecin et l’ami intime.

— De monsieur ou de madame ?

— De tous deux, mais… surtout de madame.

Ceci fut dit d’un ton si mystérieusement burlesque, dernière hésitation du ridicule personnage dénotait une prétention si cocasse que les bruits recommencèrent. Un sourire à grand’peine réprimé s’étant montré sur les lèvres des magistrats eux-mêmes, le président s’empressa de reprendre ses questions, en se gardant bien de relever cette énorme réponse.

— Quel jour avez-vous été appelé à donner des soins à M. de Sauvetat ?

— Le 12 décembre, M. de Sauvetat souffrait de coliques et avait eu durant la nuit des vomissements assez violents. Il attribuait cette indisposition à une tasse de thé prise la veille au soir avec quelques gâteaux, contrairement à son habitude. Mon client, grand et fort, avait une très robuste constitution. Je crus à la récidive d’une ancienne maladie de foie qu’avait déjà eue M. de Sauvetat, et je prescrivis d’abord de simples calmants.