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rangés la faisaient ressembler à une de ces pleureuses antiques qui demeurent debout au pied des mausolées, pareilles à des statues de la Douleur. Sa physionomie paraissait bouleversée et empreinte du plus profond désespoir ; sa démarche, ordinairement vive et sémillante, était pénible et comme brisée ; tout en elle révélait un chagrin contenu, mais immense.

À peine fut-elle assise sur le fauteuil qui sert aux témoins, qu’elle cacha sa figure dans ses mains et éclata en sanglots.

— Remettez-vous, Madame, se hâta de dire le président, et surtout pardonnez-nous la cruauté avec laquelle nous allons raviver vos douleurs. La justice a souvent d’inexorables et terribles nécessités. Nous tâcherons d’abréger le plus possible un supplice au-dessus de vos forces. Vous avez aidé la fille Marianne à soigner M. de Sauvetat ?

— Oui, Monsieur, répondit Blanche d’une voix enrouée et à peine distincte.

— Avez-vous remarqué quelque chose d’anormal dans les soins donnés par l’accusée à M. de Sauvetat ?

— Jamais, Monsieur ; mon mari ne pouvait guère supporter, dans ses maladies, que sa pupille. Comme c’était une vieille habitude, et que j’avais moi-même la plus entière confiance en son dévouement, je me conformais aux volontés de M. de Sauvetat.

— Le veillait-elle souvent !

— Presque toutes les nuits. Dans les commencements de la maladie, je l’ai remplacée quelquefois ; mais comme ma santé ne me permet pas de grandes fatigues, j’ai dû renoncer à ce devoir au-dessus de mes forces. Durant la dernière semaine, Marianne n’a jamais quitté son tuteur.

— Vous rappelez-vous exactement avoir entendu