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si sympathique à tous, si bon, si dévoué à la cause populaire, qui n’avait jamais plaidé pour de l’argent, qui en donnait au contraire sans compter, sans regarder celui qui demandait, ami ou ennemi ; Jacques enfin, qu’on était toujours sûr de trouver à la tête de toute idée généreuse, libérale, honnête et intelligente.

On sentait bien que l’avocat ne défendait pas une cause ordinaire, que ce qui était en jeu c’était son cœur et sa vie ; et on le plaignait, on ne voulait pas qu’un jugement prématuré vînt encore augmenter son désespoir.

Si, au moment où Jacques était entré, on avait consulté cette foule, ardente dans ses amours comme dans ses haines, cette foule qui ne juge jamais que par intuition ou pressentiment, mais qui rarement se trompe dans ses instincts, comme on aurait vite acquitté cette accusée que défendait le jeune homme, et qui ne pouvait pas être coupable, puisqu’il l’aimait !

M. de Boutin, calme, sérieux, plus austère que jamais, était descendu de la place qu’on lui avait réservée pour s’asseoir à côté de Jacques.

Enfin un mot solennel retentit :

— La cour, Messieurs ! cria un huissier.

Toutes les têtes se découvrirent, tous les bruits cessèrent.

Le président, au milieu du silence général, donna l’ordre d’introduire l’accusée.

Au bout de quelques secondes, une petite porte s’ouvrit.

Subitement éclairée par le grand jour du corridor, Marianne apparut dans ses vêtements sombres.

À la vue de cette figure pâle, calme et si radieusement belle, tout le monde tressaillit, depuis les derniers rangs du prétoire jusqu’aux sièges des magistrats.