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vant trois jours un honnête homme lui offrirait son nom et défendrait lui-même celle qu’alors il regarderait comme sienne. Je savais que vous arriveriez aujourd’hui, demain au plus tard ; mais si, chose impossible, vous aviez faibli et douté, si la grandeur de votre caractère ne s’était pas affirmée dans cette circonstance, Marianne aurait pu accepter quand même un nom honorable et pur. Pour la défendre, vous lui manquant, j’aurais renoncé à ma carrière, celle de mon père et de tous les miens, j’aurais déposé la toge du magistrat pour monter moi-même à la barre ; j’aurais essayé de faire ce que vous allez entreprendre, Jacques : lutter pour que la justice des hommes ne s’égare pas ou souffrir en attendant que ma volonté fasse triompher la vérité.

Le jeune homme regardait M. de Boutin avec admiration :

— Mon Dieu ! dit-il tout bas, que suis-je à côté d’eux ? Moi seul, j’ai peur de souffrir ! que je suis lâche !

Le juge eut un sourire paternel.

— Non, fit-il doucement, non, vous êtes, au contraire, un homme de cœur, Jacques, un homme d’honneur auquel j’ai été heureux de confier le secret de mon âme pour avoir le droit de l’encourager et de le consoler. Jacques, à vous il reste l’avenir !

À ce mot d’avenir, l’avocat releva la tête :

— L’avenir, répéta-t-il, mais c’est demain la condamnation, après-demain la honte, et toujours après la séparation !

Je vous en supplie, au nom de nos larmes et de nos douleurs communes, aidez-moi à l’arracher au gouffre !… Ah ! si j’avais vos armes et vos pouvoirs comme je la démasquerais l’autre, l’infâme !…

Faites cela, continua-t-il en saisissant la main du