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Il se trompait. Le juge ne se livrait pas à ses occupations favorites.

En effet, le coude appuyé sur une large table de bois noir surchargée de livres, mais tous fermés, le front soucieux, l’œil fixe et perdu dans le vague, M. de Boutin portait sur ses traits austères les traces d’une douleur profonde.

Jacques s’avança tout près.

Le juge, absorbé dans ses réflexions, ne s’aperçut pas de sa présence.

Malgré lui, et sans se demander quelles pouvaient être les causes de ce désespoir muet, l’avocat sentit son cœur se serrer douloureusement.

— Mon ami… murmura Jacques.

M. de Boutin releva brusquement la tête.

— Ah ! fit-il, c’est vous, Jacques !

Et il pressa longuement la main du jeune homme.

— Eh bien ! continua-t-il, l’avez-vous vue ? veut-elle se laisser sauver ?

Devant cette sollicitude affectueuse, en entendant cette parole amie, les sanglots qui gonflaient la poitrine de Jacques éclatèrent tout à coup.

Il tomba dans les bras de M. de Boutin.

— Tout est fini ! s’écria-t-il ; elle est impitoyable, elle m’a repoussé, elle me refuse !…

Le juge secoua tristement la tête, et fit quelques pas dans l’immense salle.

— J’en étais sûr, dit-il ; tout est inutile, elle se dévoue…

— Que voulez-vous tenter ? interrompit Jacques sans écouter son ami ; elle me défend même d’essayer ; elle me l’a fait jurer au nom de mon amour, elle veut être condamnée !…

M. de Boutin se rapprocha de lui.